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Newsletter n°7 – Octobre 2016
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Colombie: une paix en péril
Moment historique ce 26 septembre 2016 à Carthagène des Indes en Colombie. Juan Manuel Santos, président colombien et Timoleon Jimenez, chef des FARC (principale guérilla colombienne) ont signé un traité de paix qui met fin à un demi-siècle de conflit armé fratricide et enclenche le processus de transition de groupe armé à parti politique. Une première étape dans un long processus qui s’est déjà vu entravé lors d’un référendum consultatif soumis au peuple colombien le 2 octobre et rejeté avec 50.21% des voix. Un processus néanmoins encouragé par la communauté internationale, symbolisé par la récente attribution du prix Nobel de la Paix au président colombien pour ses efforts dans la résolution du conflit.
Une page d’histoire :
Le conflit colombien débute au début des années 60 dans un contexte international de guerre froide et de montée du communisme en Amérique latine. La récente victoire de la révolution cubaine et les réformes agraires non abouties en Colombie provoquent la formation de guérillas d’inspiration marxiste (FARC, ELN, ELP) qui revendiquent une égalité sociale, politique et économique. Ces groupes armés sont désorganisés et implantés dans des parties rurales du pays où ils ne posent que peu de problèmes au gouvernement qui s’en désintéresse.
Cependant, dès la fin des années 70, le climat s’échauffe suite aux promesses de réformes sociales non tenues du régime sortant. De plus, la victoire du régime communiste au Nicaragua inspire les guérillas d’extrême-gauche d’Amérique du Sud. Ces dernières se radicalisent, s’étendent -démographiquement et géographiquement- et menacent le gouvernement. Les grands propriétaires terriens, se sentant menacés, financent la création de groupes paramilitaires d’extrême-droite avec des fonds provenant en partie du narcotrafic. Ils sont dans un premier temps appuyés par les forces gouvernementales.
Les années qui suivent vont engendrer un déferlement de violence : massacres, destructions, enlèvements, poussant ainsi le gouvernement à initier un premier processus de paix avec les guérillas en 1985. Cette tentative se solde par un échec retentissant : durant les négociations, des forces paramilitaires massacrent des membres de l’Union Patriotique, groupe politique formé d’anciens militaires des FARC démobilisés.
Un deuxième processus de paix initié à la fin des années 80, aboutit à la constitution de 1991 qui prend en compte certaines revendications sociales des guérillas. Malgré cette victoire, seule une minorité rend les armes pour intégrer la vie politique. En 1997, les groupes paramilitaires se rassemblent sous une bannière commune, les AUC, afin d’unifier le front et donner une envergure nationale au combat contre les guérillas.
Un troisième processus de paix, initié cette fois avec les paramilitaires, a lieu au début des années 2000 et permet la démobilisation progressive des AUC. Depuis 2005, la mise en place d’un plan militaire conjoint avec les Etats-Unis permet au gouvernement colombien de gagner peu à peu du terrain sur les guérillas. En perte de vitesse, elles acceptent de prendre part à des négociations en vue d’un quatrième processus de paix. Celui-ci démarre en 2012 et aboutit, le 26 septembre 2016, à la signature d’un traité promettant aux guérilleros une transition au monde politique ainsi qu’une amnistie s’ils passent aux aveux. Néanmoins le peuple colombien s’y oppose lors du référendum du 2 octobre 2016 qui donne le non gagnant avec 50.21% des voix ouvrant ainsi la porte à l’incertitude quant au futur du pays.
Quelles sont les raisons de cet échec?
- Le manque d’information concernant les clauses exactes du traité (297 pages)
- La profonde rancoeur de la population qui refuse les clauses d’amnistie ou la transition politique du groupe armé
- La campagne efficace et unifiée du «Non» dirigée par l’ex-président Alvaro Uribe
- Un taux d’abstention très élevé (63%)
Les dégâts causés par ce demi-siècle de guerre interne sont encore mal compris, mal caractérisés. Ils sont ancrés dans la vie quotidienne des colombiens et ont cessé de faire la une des journaux il y a bien longtemps. Ils font partie d’une aberrante normalité que la population a appris à accepter, à oublier. Les chiffres sont effarants : 220’000 morts recensés entre 1985 et 2012. Environ 5 millions de déplacés. 8000 blessés et 2000 morts à cause de mines antipersonnelles qui ont recouvert jusqu’à 45% du territoire. Parmi les morts, 81% étaient des civils vivant dans des zones rurales, éloignées, peuplées d’anonymes. Les quelques incursions urbaines sont sporadiques, rarement aussi violentes mais sont celles qui ont le plus choqué l’opinion publique.
Pourtant cet accord n’a rien de définitif, loin de là. Il ouvre simplement une voie de sortie pacifique au conflit. Il ne suffit pas d’en finir avec la violence pour cultiver un avenir meilleur. Tout un processus de changement social doit être mis en place, et cela ne se fait pas du jour au lendemain. Comme démontré dans les résultats du référendum, les plaies sont encore trop récentes pour cette génération. La paix doit invariablement passer par un processus de deuil difficile mais nécessaire.
Les Colombiens devront commencer par labourer les champs du passé, afin de pouvoir semer les graines qui porteront leur avenir. Un avenir qui se construira sur les fruits d’une nouvelle génération qui n’oubliera toutefois pas ses racines. Des racines fortement implantées dans cette terre dont le conflit fratricide les a définis : « on n’est de nulle part tant qu’on n’a pas un mort sous terre » disait Gabriel Garcia Marquez dans 100 ans de solitude. La paix ne se fait pas en un jour, c’est un chemin de croix qui se parcourt centimètre par centimètre en prenant garde aux obstacles laissés sur la route. Obstacles qui menacent de faire exploser l’avenir du pays. Littéralement…
Et Ingénieurs du Monde dans tout ça? De mai à août 2016 une étudiante en géographie de l’UNIL est partie en Colombie afin d’identifier et cartographier les lieux dans lesquels diverses formes de violences ont été commises par les différents groupes armés. Ce projet, encadré par le Centre National de Mémoire Historique, s’inscrit dans un objectif global du centre pour identifier les victimes du conflit et leur porter hommage. Si vous voulez en savoir plus, venez au retour de stage organisé en novembre!
Sources :
- Rapport Basta Ya! du Centro Nacional de la Memoria Historica (CNMH)
- http://www.lemonde.fr/ameriques/video/2016/08/25/les-farc-et-la-colombie-annoncent-un-traite-de-paix_4988051_3222.html
- http://www.elmundo.es/internacional/2016/
- http://www.elespectador.com/noticias/paz
- https://www.letemps.ch/monde/2016/10/10/relations-entre-colombie-farc-expliquees-trois-minutes
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Une invention qui a le vent en poupe…
Cela fait bien 10 ans que le Kitesurf, sport qui consiste à s’attacher à un cerf-volant de 15m2 en s’équilibrant sur une planche, gagne en popularité. C’est un concept qui incite plus ou moins à l’accident mais reste tout de même intéressant. Le kite, ou cerf-volant, toile volant sur le principe de la conservation de quantité de mouvement, est capable d’atteindre des vitesses spectaculaires. L’allemand Christian Gebhardt a établi le record de 212km/h en 2009. Tenter de kite surfer à cette vitesse serait regrettable.
Des ingénieurs ont cherché à exploiter ces vitesses – puissances – pour créer un générateur de tension électrique. L’oscillation de la turbine est alimentée par la force exercée sur les câbles reliant le kite. Le kite est guidé à l’aide de senseurs (accéléromètres, baromètres, …) attachés à la toile qui envoient les données mesurées à une unité de contrôle qui se chargera de tirer sur un câble ou un autre pour l’orienter dans une direction spécifique. L’idée est de manœuvrer l’engin de sorte à décrire une trajectoire en « 8 » dans les airs.
D’une façon générale, les vents de haute altitude sont plus rapides, i.e. plus puissants, que les vents que nous ressentons à la surface de la Terre. Il s’agit donc d’aller chercher de l’énergie dans une source riche, où les éoliennes ne le peuvent pas – l’éolienne ne peut atteindre qu’un maximum de 180 mètres en bout de palme. Le kite, quant à lui, peut atteindre des altitudes bien plus impressionnantes, de l’ordre du kilomètre (record de 10km environ).
A titre informatif, il est intéressant de noter que les vents de la troposphère emmagasinent une énergie bien plus importante que ce dont nous avons besoin. Cela ne veut pas dire pour autant que nous irons exploiter les vents d’une si haute altitude, car il faudrait pour cela des câbles de 8km à 15km de long (dépendant des saisons). Même si nous pouvions faire d’aussi longs câbles, il ne faut pas perdre de vue que, à ces altitudes, si un câble lâche, l’autre ne tardera pas à suivre et nous pourrons faire nos adieux à potentiellement 10,000$ d’équipement en espérant qu’il n’atterrisse pas sur le pare-brise d’une voiture à 130km/h. Malgré tout, il faut se rendre compte du potentiel des vents de haute altitude, de part leurs vitesses.
Peut être verrons-nous un ingénieur de l’EPFL créer un générateur alimenté par les vents d’une tornade ? Certainement, un des défis sera de ne pas voir exploser l’appareil à cause d’une dépression extérieure…
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Le Saviez-Vous?
Too Good To Go débarque en Suisse. Cette application pour smartphone, née au Danemark l’année passée, vise à lutter contre le gaspillage alimentaire dans le domaine de la restauration.
Le principe est simple : les restaurateurs partenaires peuvent proposer aux utilisateurs leurs invendus sous forme de portion surprise, à prix cassé. Un bon plan pour éviter le gaspillage tout en allégeant ses dépenses et sa conscience écologique. D’ores et déjà disponible à Genève et Zürich, Too Good To Go étendra ses partenariats à Lausanne dans les mois à venir.
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Aurélien Vanhollebeke, étudiant en Génie Mécanique, nous raconte son expérience en Inde
Partir faire un stage de six mois en Inde ?
Envie d’une coupure, de penser à autre chose, de découvrir de nouvelles cultures, au bout du Monde ? Tout cela dans un cadre humanitaire ? C’est possible ! C’est exactement ce que propose l’association Ingénieurs du Monde à l’EPFL.
L’envie de faire un « break » avec les études, après mon Bachelor, me trottait dans la tête depuis quelque temps déjà. Parmi plusieurs opportunités j’ai choisi de réaliser mon stage en Inde, pour une durée de six mois. Je voulais me lancer dans quelque chose de complètement nouveau, m’immerger dans une nouvelle culture, créer de nouveaux liens. Ingénieurs du Monde en lien avec l’association des Etudiants Indiens de Lausanne (YUVA) propose de nombreux stages en Inde dans le cadre du programme « Live-in-Labs » de l’université Amrita. Ce programme vise à développer, dans 101 villages, des solutions durables aux problèmes auxquels font face les communautés rurales. De nombreux projets sont réalisables, dans les secteurs suivants : santé et travail, éducation et technologie, environnement et agriculture, énergie, infrastructures et équipements de base. Pour ma part, j’ai participé à deux projets différents dans le sud ouest de l’Inde, dans le Kerala : construire un réfrigérateur très basse consommation et installer une turbine à eau dans un village afin de produire de l’électricité durant la mousson.
Dans un premier temps, une visite dans le village est organisée afin que le groupe de travail puisse adapter son projet aux besoins des villageois, prendre des mesures, discuter avec les locaux. Une partie du temps est ensuite consacrée au développement du projet au sein même de l’université avec l’aide d’un groupe d’étudiants, tout en étant encadrés, par un professeur par exemple. Une fois que le projet est suffisamment mûr, celui-ci peut être implémenté dans le village en question. C’est donc l’occasion de pouvoir réaliser un projet concret dans son intégralité !
Et les épices, dans tout ça ? C’est bien connu, la nourriture indienne est épicée. Very spicy you know? Je dirais que c’est une question d’habitude. Au début, on chauffe, on rougit, on pleure. Puis notre corps s’habitue et l’on prend goût aux épices. L’Inde étant le pays avec le plus grand pourcentage de végétariens dans le monde, on y trouve par conséquent de nombreux plats qui le sont.
Le stage fut aussi l’occasion de découvrir le cricket, sport largement pratiqué en Inde, comme avec ces enfants qui jouaient entre deux maisons :
Certains pourront se demander : vais-je réussir à reprendre les études après six mois, un an ? Personnellement, j’ai repris les études en Génie Mécanique en Master à L’EPFZ, deux semestres après l’obtention du Bachelor. Cela n’a pas pas été un choc.
Une fois au « bout du monde », c’est l’occasion de voyager. Pour ma part, j’ai étendu mon voyage, tout d’abord en Inde en parcourant près de 5000km à travers 10 états, puis au Sri Lanka et en Thaïlande, en passant par la Birmanie. Un voyage riche en émotions, en rencontres, une expérience inoubliable !
Enfin, le fait de passer six mois dans un même endroit permet de vraiment s’imprégner des coutumes locales et de créer des liens forts avec certaines personnes. Des liens qui resteront pour la vie. L’expérience relève en quelque sorte d’un défi : se confronter à une nouvelle manière de penser, d’agir, de réagir. C’est un travail sur soi-même, dont on n’a pas forcément l’habitude.
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COP21 — Laissons-leur le bénéfice du doute
et faisons semblant d’y croire, en tout cas pour le moment
Du 30 novembre au 11 décembre aura lieu à Paris la COP21, 21e conférence sur le climat qui a pour but de s’assurer que les rapports d’action rendus à l’ONU par les Etats suffisent à respecter le seuil fatidique des 2°C pour 2100, de s’accorder sur la façon dont l’argent mobilisé ces dernières années va être utilisé et enfin, de trouver un terrain d’entente sur la réduction des aides accordées aux énergies fossiles avant d’en reporter les coûts sur les principaux responsables d’émision des gaz à effet de serre.
Comment les Etats, acteurs centraux de la COP21, peuvent-ils agir? La question des normes strictes à imposer par les gouvernements aux multinationales émettrices de GES se pose d’elle-même. Dominique Bourg, philosophe et professeur à l’UNIL fait remarquer1 que depuis une trentaine d’années “nos systèmes politiques ont réduit la fonction de l’Etat à un ‘facilitateur’ du commerce international. Comment voulez-vous qu’un ‘facilitateur’ du commerce international prenne à bras le corps [les] questions climatiques?”. L’optimisme n’est pas de mise.
Toute la communication autour de la COP21 est tout de même signe d’une volonté de changement de la part des gouvernements. C’est ici que l’investissement citoyen prend tout son sens: informons-nous, prouvons notre engagement à nos dirigeants en nous intéressant aux conclusions de cette conférence et pas seulement au fait qu’elle ait lieu, afin qu’ils aient le devoir d’enclencher de profonds changements.
Espérons que les discussions porteront leurs fruits.
Espérons que la mobilisation générale se poursuive.
Espérons que tout cela ne retombe pas comme un soufflé – on l’a bien trop souvent expérimenté ces derniers temps.
Inès Baudry, étudiante en Génie Civil
Pour en savoir plus sur la COP21, vous pouvez regarder le reportage “2 degrés avant la fin du monde” qui a été proposé par DataGueule sur France4.
1:Issu d’une vidéo proposée par DataGueule sur youtube (produit par france 4)
photo: “message on street” par Light Brigading – flickr creative commons
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Crises alimentaires: prévenir plutôt que guérir
Dans le monde de l’attention, de l’audimat et du buzz, les crises silencieuses telles que les sécheresses et les famines font rarement beaucoup de bruit. Cependant, le tribut n’en n’est pas moins lourd pour autant. Par exemple, la 1ère famine du XXIe siècle qui sévit en 2011 dans la Corne de l’Afrique1 entraîna la mort, selon les pires estimations, de cent mille personnes. Plus de la moitié des décédés seraient des enfants de moins de cinq ans.
Historique
Ça s’annonçait déjà mal pour les 106 millions d’Africains vivant dans la Corne. En effet, les pluies d’Octobre-Novembre avaient été presque inexistantes et un scénario similaire était attendu pour celles de Mars-Mai 2011. Malgré ces mauvais augures, ce n’est qu’à la mi-mars, seulement, que le premier signal d’alerte fut donné par la FEWSNET2. Fin mai, le gouvernement kenyan déclare l’état d’urgence, les premières actions coordonnées ne suivant que 3 mois plus tard. Finalement, le 20 juillet, l’ONU déclare l’état de famine en Somalie. Des milliers de personnes étaient déjà décédées.
Pourquoi ?
Alors que les EWS –Early Warning Systems-, mis en place peu de temps avant, s’étaient révélés particulièrement efficaces en fournissant de l’information détaillée et d’actualité, ainsi qu’en émettant des prévisions fiables qui se sont malheureusement révélées exactes, pourquoi une telle lenteur dans la réaction des gouvernements et de la communauté internationale ? De plus, ces crises de famine et de sécheresse sont chroniques, elles ne devraient surprendre personne. Comme l’écrit Jan Egeland3 : « Hunger crisis are predictable, predicted and preventable ».
Il est vrai que dans le tumulte du Printemps arabe, de l’accident de Fukushima et du début du conflit syrien, la sécheresse africaine intéressait fort peu de monde (comme c’est nouveau). Or, la bourse des donateurs ne se délie que pour des causes marquantes. Quant aux gouvernements et autres institutions internationales, les rapports de l’ONU sont cruciaux afin d’engranger les dons. Mais ces rapports sont irréguliers et reflètent rarement une situation en évolution constante, les chiffres, au moment où le rapport est publié, étant déjà vieux de plusieurs mois. Conséquence, les dons arrivent souvent trop tard. Enfin, les gouvernements des pays sinistrés voient tout appel à l’aide extérieure comme une marque de faiblesse, et rechignent donc à le faire.
Gérer les risques, pas les crises
Nous devons apprendre à agir sur des incertitudes. Il a été prouvé que le coût économique et personnel de gérer une crise plutôt que de la prévenir est trop élevé, tant pour les pays donateurs que pour les populations victimes. Ce changement de mentalité se traduira par la protection des moyens de subsistance de la population. Par exemple, assurer la survie du bétail aux moyens de soin, de vaccination et de nourriture en quantité suffisante plutôt que d’acheter un nouveau troupeau, réhabiliter les points d’eau, … De même, il est plus facile de soutenir les personnes à domicile, que de gérer des déplacements massifs d’humains dans des camps d’aide, où la proximité est une aubaine pour tout virus.
D’autre part, une plus grande flexibilité de la part des bienfaiteurs est requise, permettant aux associations humanitaires d’adapter la priorité et les fonds de leurs programmes en fonction de l’évolution sur le terrain de la situation. Evidemment, ceci implique une confiance totale entre les deux, ce qui se construit dans le temps. De même, affranchissons-nous du schisme sur l’aide humanitaire – au développement. Améliorer la résilience des communautés, influencer les politiques nationales en ce qui concerne les aides alimentaires ou encore installer des stocks de provision peuvent être considérées comme des responsabilités communes.
Enfin, il faut que les gouvernements outre-passent leurs peurs, celle d’avoir tort avec des risques financiers et réputationnels en jeu, celle d’être trop interventionniste et de nuire à la résilience des villages, celle d’être vu comme dépendant de l’aide internationale, … En janvier 2012, sous l’impulsion de Oxfam and Save the Children, deux associations fortement impliquées en Afrique, de nombreux pays sont devenus signataires de the Charter to End Extreme Hunger. « We have the power to prevent thousands of deaths. What we need is the will » Jan Egeland.
Alexandre Jewell, étudiant en Génie Mécanique
1 : comprend le Kenya, Ethiopie, Djibouti et Somalie. / 2 : Famine Early Warning System Network / 3 : UN Emergency Relief Coordinator, 2003 – 2006
photo: Flickr Creative Commons
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Fenêtre ouverte sur la vie Syrienne
Cela fait maintenant quatre ans que le coeur des Syriens bat au rythme de la guerre. La vie a dû s’apprendre autour de nouveaux paramètres à prendre en compte. Étant syrienne, redécouvrir mon pays après quatre ans d’absence s’est avéré être une expérience très forte. Pour la population, la terreur première des obus laisse désormais place à l’habitude. Une journée où l’on entend vingt explosions est alors une journée calme. La peur est apprivoisée, les larmes et la joie se bousculent à une vitesse effarante. Aussi, quand une explosion a lieu près de l’école fréquentée par un enfant de la famille, ou près du quartier d’un être cher, les premiers instants sans nouvelles sont vécus tragiquement. Puis, une fois rassuré, la vie reprend son cours. On pleure le voisin, mais l’on se relève pour ses proches, pour garder ce souffle de vie et ne jamais le laisser s’éteindre.
Salamyeh, ville d’origine de ma mère, qui se trouve à l’est de Hama, est peuplée d’Ismaéliens (Chiites) et d’Alaouites et est –du fait de sa population à la liberté inacceptable aux yeux de l’État Islamique (EI) et de sa position stratégique entre Homs et Alep– une cible à atteindre. Malgré la présence de l’EI, dont les soldats ne sont qu’à quelques kilomètres des portes de la ville, passants et chars se mélangent quotidiennement dans les rues commerçantes, sans crainte mutuelle, puisque la présence militaire est ici rassurante pour la population. Celle-ci, consciente du danger, ne se prive pour autant pas de sortir le soir, de s’exprimer ou de boire un verre d’arak entre amis sur les trottoirs de la ville.
Parmi les passants, il y a ces mères fortes mais brisées par la peur que leurs fils aient à rallier l’armée dès leur majorité ; ces fils, terrifiés et perdus face à un conflit pour lequel ils devront prendre les armes et aller au front, souvent sans convictions.
J’ai pu constater également l’augmentation frappante et fulgurante du coût de la vie. En 2010, la Syrie n’avait pas de dette publique et produisait quasiment toutes ses denrées alimentaires mais désormais, d’importantes régions syriennes productrices de matières premières, comme par exemple Alep, sont aux mains de Daesh. Entre les territoires occupés et ceux qui ont été détruits, le besoin d’importer s’est avéré croissant et vital, augmentant ainsi le coût de la consommation. L’embargo économique appliqué sur la Syrie depuis 2011, ayant pour but d’ affaiblir le régime, a de ce fait et plus que tout autre chose affaibli le niveau de vie des populations des classes moyennes à pauvres. L’inflation et la perte d’emplois ont alors mené à une nouvelle manière de consommer, bien différente de celle de l’avant-guerre. La rareté de l’eau –dans de nombreuses régions la population a de l’eau courante environ deux fois par mois– et de l’électricité –présente environ trois heures par jour– participe à ces changements. En conséquence, les personnes travaillant dans l’alimentation, et notamment les bouchers et les primeurs, ont vu leurs prix multipliés par dix: un salaire qui suffisait autrefois pour un mois satisfait désormais à peine les dépenses d’une semaine.
À l’instar des ressources alimentaires, d’autres types de ressources comme le mazout se font rares. Aller mettre de l’essence dans sa voiture devient une véritable escapade. On se lève aux aurores, un thermos de café sous le bras pour pallier la fatigue et endurer les files d’attente aux stations essence qui, parfois, ne désemplissent pas avant la tombée de la nuit. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’après huit heures d’attente, l’essence soit épuisée. On retente alors le lendemain en espérant que cette fois, notre tour viendra.
Ainsi, la vie continue.
Des associations naissent afin d’occuper les jeunes et de créer des élans de solidarité et d’optimisme. À Salamyeh, une sortie à vélo est organisée chaque semaine, des mouvements musicaux pour la paix naissent, et les modestes dons de la population permettent aux étudiants de peindre les murs de la ville de mille couleurs, insufflant de l’espoir dans des paysages ternis par la fatigue et la résignation.
Line Soukouti, étudiante en Sciences de la Vie
photo – Line Soukouti
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Le saviez-vous?
La grande mosquée de Djenné au Mali est construite en terre crue.
Tous les ans avant la saison des pluies, les habitants protègent le bâtiment en le recouvrant intégralement à la main d’une nouvelle couche de terre.
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Sterilux: innover pour limiter les infections à l’hôpital
Staphylococcus, Pseudomonas ou encore Légionnella. Les micro-organismes se cachant derrière ces noms sont des bactéries responsables d’infections dites nosocomiales, ou plus simplement des infections hospitalières, qui peuvent mener à la mort dans les pires cas.
Les hôpitaux et autres centres de soins des pays industrialisés combattent ces agents pathogènes en stérilisant leur matériel avec de grandes installations par exemple par autoclave, c’est-à-dire à la vapeur d’eau. Malgré toutes ces précautions, jusqu’à 10% des patients admis dans ces hôpitaux contractent une telle infection après une intervention chirurgicale, une pose de cathéter ou encore une assistance respiratoire mécanique. Dans les pays en développement, où ces méthodes de stérilisations sont le plus souvent négligées, les infections ont des conséquences ravageuses.
Le bilan est alarmant selon l’organisation mondiale de la santé: en Afrique (2009), le taux d’infection nosocomiale dans le service de chirurgie variait de 5.7% à 45.8%. Les raisons sont multiples: Premièrement, les pays en développement manquent de ressource en eau qui est primordiale aux techniques de stérilisations conventionnelles. Ensuite, l’alimentation en électricité n’y est pas toujours garantie. Finalement, l’aseptisation des ustensiles médicaux est trop coûteuse.
Sterilux, une entreprise Suisse fondée par des ingénieurs de l’EPFL, a développé un système pour tenter de résoudre le problème. Leur solution s’appelle « SteriBox ».
Il s’agit d’une petite boîte de 20 L. Il suffit d’y placer les instruments médicaux à stériliser, ajouter 1mL d’eau et l’insérer dans une station de contrôle de 50 cm de hauteur. En fournissant seulement 5 minutes d’électricité et après une attente de 3 à 5 heures, le contenu est stérile pour une durée d’un mois.
Cette prouesse technologique résulte d’une réaction entre l’eau ajoutée à la boîte et de l’ozone. L’énergie consommée produit une radiation d’UV qui transforme l’oxygène présent dans la boîte en ozone. Le contact entre l’ozone et l’eau libère des radicaux d’hydroxyle qui stérilise le contenu de la boîte.
Le résultat est impressionnant si on le compare aux méthodes actuelles. La « SteriBox » consomme cinquante fois moins d’énergie et mille fois moins d’eau, tout en divisant par cent le coût d’un cycle de stérilisation.
Marc Spaltenstein, CEO et fondateur de l’entreprise, se concentre maintenant sur la commercialisation du produit: «Nous sommes allés à la rencontre d’hôpitaux en Inde et nous avons établi des contacts avec eux. Cette étape était très importante, car elle nous a permis de connaître le besoin réel sur place. Nous sommes encore en train d’améliorer notre prototype et en plein dans la recherche d’investisseurs et de donations, mais les premiers essais sont prévus pour fin 2016 et les premières ventes pour 2017. »
Cette alternative à la méthode de stérilisation des pays développés pourrait donc réellement contribuer à améliorer les mesures de sécurité liés aux infections dans les pays défavorisés et ainsi donner les meilleures conditions possibles aux patients.
Assurer un milieu stérile là où l’homme est le plus vulnérable aux attaques d’organismes infectieux. Voilà un geste qui pourrait devenir simple et accessible grâce à une idée ingénieuse. Voilà une idée à suivre afin de changer les choses dans le monde.
Christina Aberer
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La rue indienne
A l’occasion d’un stage IdM, j’ai pu découvrir et arpenter quatre mois durant les rues indiennes. Etudiante en architecture, je suis partie pour proposer un plan d’urgence de reconstruction en cas de catastrophe tel un tremblement de terre de magnitude 7,8 comme l’a connu Ahmedabad en 2001.
Au-delà du stage, j’ai surtout appris à connaître un art de vivre, une manière d’être et de penser et un tout nouveau monde qui ne fait qu’étonner chaque jour. Cela commence à peine posé le pied au sol indien.
«La rue indienne»
C’est la première chose que l’on remarque à nos dépens en Inde: L’espace public. Tout est différent! Tout nous saute aux yeux, aux oreilles, au corps. On est instantanément pris dans un tourbillon de couleurs, d’odeurs, d’agitation, de bruit et de poussière. La rue indienne s’impose comme une scène de spectacle permanent.
En Europe, depuis l’urbanisme romain en passant par le modernisme et le fonctionnalisme du siècle dernier, les places se sont développées au détriment de la rue. Flux et fonctions ont été séparés réduisant la rue à son simple usage de voie et lui niant toutes qualités sociales potentielles. Mais la rue n’est pas morte partout!
Dans ma vision très européenne de la ville, fraîchement arrivée à Ahmedabad, j’ai naïvement demandé au rickshaw-driver de me déposer «au centre» de la ville. Par là, j’imaginais, une place, un espace central qui rassemble des activités, des échanges. Hésitant, il m’a déposée…dans une rue. Aussi semblable à la rue d’avant, qu’à celle d’encore avant.
Mais si les villes indiennes n’ont pas de places, c’est que leurs rues accueillent ces mêmes fonctions. Dans les Veda indiens, les cités idéales sont caractérisées par un réseau de rues sans place ni jardin public. L’espace social était obtenu par les deux rues principales, type d’espace adapté aux processions.
Ainsi, la rue et le trottoir se confondent en espaces de circulation, marché, habitat précaire, terrasse… L’espace est investi par les activités, avec des limites souples.
Des grandes villes comme Ahmedabad ou Bangalore voient leurs routes encombrées en raison d’un manque de transport public allié à la privatisation partielle des bords de route. Les trottoirs subissent de nombreuses appropriations informelles ou sont colonisés par des étals commerciaux. On étend son coton sur le trottoir, on y fait bouillir le chai pour la famille, on y vend sa marchandise. Parfois des abris deviennent résidence permanente, les plus pauvres dormant à même le sol. L’Histoire, la pauvreté et le climat ont fait qu’une partie conséquente de la population «vit dehors».
La rue devient une extension de l’espace privé comme de l’espace public. Elle est à la fois lieu de circulation et lieu de vie. Les bâtiments et la ville fusionnent. Cet espace mixte, ni public, ni privé, favorise les interactions sociales nécessaires à l’émergence d’une communauté.
Ainsi l’espace indien se vit dans un contexte, les uns par rapport aux autres. Il n’y a d’ailleurs pas d’adresse absolue en Inde, mais une position relative d’un lieu par rapport aux autres bâtiments. On ne dira pas «5 rue des Tilleuls» mais «face au restaurant X, près du X, quartier X». Il y a une conception homogène de la ville, tenue par ce réseau de rues.
Malheureusement aujourd’hui la ville indienne est souvent dominée par la circulation. Les piétons sont exposés et vulnérables. Le promeneur européen qui a l’habitude d’être dirigé par des codes et des barrières sera désorienté dans la multitude d’activités qui prennent place au même endroit sans savoir où elles finissent ni où elles commencent. Traverser une route à pied devient un challenge; il est souvent contraint de descendre du précieux trottoir en raison d’obstacles et encombrements pour zigzaguer entre les véhicules, s’en remettant à sa bonne étoile et à la qualité des freins des motos.
La rue indienne, bien qu’étant le siège de multiples conflits d’usage, rayonne par sa richesse et sa diversité. La vie est là, elle s’y offre en spectacle. Cependant l’insécurité du piéton altère la qualité de cet espace, incapable d’accomplir ses principales fonctions de circulation et de sûreté.
Alors quelle sera la ville de demain?
Lise Tourneboeuf
Brèves, Journal
Lilo: le moteur de recherche utile
«Financez des projets sociaux, gratuitement et sans effort, avec le moteur de recherche Lilo»
L’idée sur laquelle est basée Lilo est simple, mais il fallait y penser: verser à une sélection de projets l’argent généré par les liens commerciaux qui s’affichent lors d’une recherche. Vous ajoutez Lilo à votre navigateur, vous désactivez AdBlock sur ce domaine, et vous collectionnez les «gouttes d’eau», une par recherche. Libre à vous ensuite de les distribuer, parmi les projets proposés, à ceux qui vous tiennent à coeur. Plus de 20 000 € ont déjà été récoltés.
Lilo utilise -et paie- le service de moteur de recherche de google et yahoo par exemple pour vous donner les meilleurs résultats. Il est donc aussi performant que ces derniers.
Vous pouvez contribuer sans aucun effort à des projets que vous jugez utiles, seulement trois clics pour installer Lilo, puis une habitude à changer: search.lilo.org au lieu de google.ch… pourquoi hésiter?
Inès Baudry