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Newsletter n°7 – Octobre 2016
Colombie: une paix en péril
Moment historique ce 26 septembre 2016 à Carthagène des Indes en Colombie. Juan Manuel Santos, président colombien et Timoleon Jimenez, chef des FARC (principale guérilla colombienne) ont signé un traité de paix qui met fin à un demi-siècle de conflit armé fratricide et enclenche le processus de transition de groupe armé à parti politique. Une première étape dans un long processus qui s’est déjà vu entravé lors d’un référendum consultatif soumis au peuple colombien le 2 octobre et rejeté avec 50.21% des voix. Un processus néanmoins encouragé par la communauté internationale, symbolisé par la récente attribution du prix Nobel de la Paix au président colombien pour ses efforts dans la résolution du conflit.
Une page d’histoire :
Le conflit colombien débute au début des années 60 dans un contexte international de guerre froide et de montée du communisme en Amérique latine. La récente victoire de la révolution cubaine et les réformes agraires non abouties en Colombie provoquent la formation de guérillas d’inspiration marxiste (FARC, ELN, ELP) qui revendiquent une égalité sociale, politique et économique. Ces groupes armés sont désorganisés et implantés dans des parties rurales du pays où ils ne posent que peu de problèmes au gouvernement qui s’en désintéresse.
Cependant, dès la fin des années 70, le climat s’échauffe suite aux promesses de réformes sociales non tenues du régime sortant. De plus, la victoire du régime communiste au Nicaragua inspire les guérillas d’extrême-gauche d’Amérique du Sud. Ces dernières se radicalisent, s’étendent -démographiquement et géographiquement- et menacent le gouvernement. Les grands propriétaires terriens, se sentant menacés, financent la création de groupes paramilitaires d’extrême-droite avec des fonds provenant en partie du narcotrafic. Ils sont dans un premier temps appuyés par les forces gouvernementales.
Les années qui suivent vont engendrer un déferlement de violence : massacres, destructions, enlèvements, poussant ainsi le gouvernement à initier un premier processus de paix avec les guérillas en 1985. Cette tentative se solde par un échec retentissant : durant les négociations, des forces paramilitaires massacrent des membres de l’Union Patriotique, groupe politique formé d’anciens militaires des FARC démobilisés.
Un deuxième processus de paix initié à la fin des années 80, aboutit à la constitution de 1991 qui prend en compte certaines revendications sociales des guérillas. Malgré cette victoire, seule une minorité rend les armes pour intégrer la vie politique. En 1997, les groupes paramilitaires se rassemblent sous une bannière commune, les AUC, afin d’unifier le front et donner une envergure nationale au combat contre les guérillas.
Un troisième processus de paix, initié cette fois avec les paramilitaires, a lieu au début des années 2000 et permet la démobilisation progressive des AUC. Depuis 2005, la mise en place d’un plan militaire conjoint avec les Etats-Unis permet au gouvernement colombien de gagner peu à peu du terrain sur les guérillas. En perte de vitesse, elles acceptent de prendre part à des négociations en vue d’un quatrième processus de paix. Celui-ci démarre en 2012 et aboutit, le 26 septembre 2016, à la signature d’un traité promettant aux guérilleros une transition au monde politique ainsi qu’une amnistie s’ils passent aux aveux. Néanmoins le peuple colombien s’y oppose lors du référendum du 2 octobre 2016 qui donne le non gagnant avec 50.21% des voix ouvrant ainsi la porte à l’incertitude quant au futur du pays.
Quelles sont les raisons de cet échec?
- Le manque d’information concernant les clauses exactes du traité (297 pages)
- La profonde rancoeur de la population qui refuse les clauses d’amnistie ou la transition politique du groupe armé
- La campagne efficace et unifiée du «Non» dirigée par l’ex-président Alvaro Uribe
- Un taux d’abstention très élevé (63%)
Les dégâts causés par ce demi-siècle de guerre interne sont encore mal compris, mal caractérisés. Ils sont ancrés dans la vie quotidienne des colombiens et ont cessé de faire la une des journaux il y a bien longtemps. Ils font partie d’une aberrante normalité que la population a appris à accepter, à oublier. Les chiffres sont effarants : 220’000 morts recensés entre 1985 et 2012. Environ 5 millions de déplacés. 8000 blessés et 2000 morts à cause de mines antipersonnelles qui ont recouvert jusqu’à 45% du territoire. Parmi les morts, 81% étaient des civils vivant dans des zones rurales, éloignées, peuplées d’anonymes. Les quelques incursions urbaines sont sporadiques, rarement aussi violentes mais sont celles qui ont le plus choqué l’opinion publique.
Pourtant cet accord n’a rien de définitif, loin de là. Il ouvre simplement une voie de sortie pacifique au conflit. Il ne suffit pas d’en finir avec la violence pour cultiver un avenir meilleur. Tout un processus de changement social doit être mis en place, et cela ne se fait pas du jour au lendemain. Comme démontré dans les résultats du référendum, les plaies sont encore trop récentes pour cette génération. La paix doit invariablement passer par un processus de deuil difficile mais nécessaire.
Les Colombiens devront commencer par labourer les champs du passé, afin de pouvoir semer les graines qui porteront leur avenir. Un avenir qui se construira sur les fruits d’une nouvelle génération qui n’oubliera toutefois pas ses racines. Des racines fortement implantées dans cette terre dont le conflit fratricide les a définis : « on n’est de nulle part tant qu’on n’a pas un mort sous terre » disait Gabriel Garcia Marquez dans 100 ans de solitude. La paix ne se fait pas en un jour, c’est un chemin de croix qui se parcourt centimètre par centimètre en prenant garde aux obstacles laissés sur la route. Obstacles qui menacent de faire exploser l’avenir du pays. Littéralement…
Et Ingénieurs du Monde dans tout ça? De mai à août 2016 une étudiante en géographie de l’UNIL est partie en Colombie afin d’identifier et cartographier les lieux dans lesquels diverses formes de violences ont été commises par les différents groupes armés. Ce projet, encadré par le Centre National de Mémoire Historique, s’inscrit dans un objectif global du centre pour identifier les victimes du conflit et leur porter hommage. Si vous voulez en savoir plus, venez au retour de stage organisé en novembre!
Sources :
- Rapport Basta Ya! du Centro Nacional de la Memoria Historica (CNMH)
- http://www.lemonde.fr/ameriques/video/2016/08/25/les-farc-et-la-colombie-annoncent-un-traite-de-paix_4988051_3222.html
- http://www.elmundo.es/internacional/2016/
- http://www.elespectador.com/noticias/paz
- https://www.letemps.ch/monde/2016/10/10/relations-entre-colombie-farc-expliquees-trois-minutes
Une invention qui a le vent en poupe…
Cela fait bien 10 ans que le Kitesurf, sport qui consiste à s’attacher à un cerf-volant de 15m2 en s’équilibrant sur une planche, gagne en popularité. C’est un concept qui incite plus ou moins à l’accident mais reste tout de même intéressant. Le kite, ou cerf-volant, toile volant sur le principe de la conservation de quantité de mouvement, est capable d’atteindre des vitesses spectaculaires. L’allemand Christian Gebhardt a établi le record de 212km/h en 2009. Tenter de kite surfer à cette vitesse serait regrettable.
Des ingénieurs ont cherché à exploiter ces vitesses – puissances – pour créer un générateur de tension électrique. L’oscillation de la turbine est alimentée par la force exercée sur les câbles reliant le kite. Le kite est guidé à l’aide de senseurs (accéléromètres, baromètres, …) attachés à la toile qui envoient les données mesurées à une unité de contrôle qui se chargera de tirer sur un câble ou un autre pour l’orienter dans une direction spécifique. L’idée est de manœuvrer l’engin de sorte à décrire une trajectoire en « 8 » dans les airs.
D’une façon générale, les vents de haute altitude sont plus rapides, i.e. plus puissants, que les vents que nous ressentons à la surface de la Terre. Il s’agit donc d’aller chercher de l’énergie dans une source riche, où les éoliennes ne le peuvent pas – l’éolienne ne peut atteindre qu’un maximum de 180 mètres en bout de palme. Le kite, quant à lui, peut atteindre des altitudes bien plus impressionnantes, de l’ordre du kilomètre (record de 10km environ).
A titre informatif, il est intéressant de noter que les vents de la troposphère emmagasinent une énergie bien plus importante que ce dont nous avons besoin. Cela ne veut pas dire pour autant que nous irons exploiter les vents d’une si haute altitude, car il faudrait pour cela des câbles de 8km à 15km de long (dépendant des saisons). Même si nous pouvions faire d’aussi longs câbles, il ne faut pas perdre de vue que, à ces altitudes, si un câble lâche, l’autre ne tardera pas à suivre et nous pourrons faire nos adieux à potentiellement 10,000$ d’équipement en espérant qu’il n’atterrisse pas sur le pare-brise d’une voiture à 130km/h. Malgré tout, il faut se rendre compte du potentiel des vents de haute altitude, de part leurs vitesses.
Peut être verrons-nous un ingénieur de l’EPFL créer un générateur alimenté par les vents d’une tornade ? Certainement, un des défis sera de ne pas voir exploser l’appareil à cause d’une dépression extérieure…
Le Saviez-Vous?
Too Good To Go débarque en Suisse. Cette application pour smartphone, née au Danemark l’année passée, vise à lutter contre le gaspillage alimentaire dans le domaine de la restauration.
Le principe est simple : les restaurateurs partenaires peuvent proposer aux utilisateurs leurs invendus sous forme de portion surprise, à prix cassé. Un bon plan pour éviter le gaspillage tout en allégeant ses dépenses et sa conscience écologique. D’ores et déjà disponible à Genève et Zürich, Too Good To Go étendra ses partenariats à Lausanne dans les mois à venir.
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Aurélien Vanhollebeke, étudiant en Génie Mécanique, nous raconte son expérience en Inde
Partir faire un stage de six mois en Inde ?
Envie d’une coupure, de penser à autre chose, de découvrir de nouvelles cultures, au bout du Monde ? Tout cela dans un cadre humanitaire ? C’est possible ! C’est exactement ce que propose l’association Ingénieurs du Monde à l’EPFL.
L’envie de faire un « break » avec les études, après mon Bachelor, me trottait dans la tête depuis quelque temps déjà. Parmi plusieurs opportunités j’ai choisi de réaliser mon stage en Inde, pour une durée de six mois. Je voulais me lancer dans quelque chose de complètement nouveau, m’immerger dans une nouvelle culture, créer de nouveaux liens. Ingénieurs du Monde en lien avec l’association des Etudiants Indiens de Lausanne (YUVA) propose de nombreux stages en Inde dans le cadre du programme « Live-in-Labs » de l’université Amrita. Ce programme vise à développer, dans 101 villages, des solutions durables aux problèmes auxquels font face les communautés rurales. De nombreux projets sont réalisables, dans les secteurs suivants : santé et travail, éducation et technologie, environnement et agriculture, énergie, infrastructures et équipements de base. Pour ma part, j’ai participé à deux projets différents dans le sud ouest de l’Inde, dans le Kerala : construire un réfrigérateur très basse consommation et installer une turbine à eau dans un village afin de produire de l’électricité durant la mousson.
Dans un premier temps, une visite dans le village est organisée afin que le groupe de travail puisse adapter son projet aux besoins des villageois, prendre des mesures, discuter avec les locaux. Une partie du temps est ensuite consacrée au développement du projet au sein même de l’université avec l’aide d’un groupe d’étudiants, tout en étant encadrés, par un professeur par exemple. Une fois que le projet est suffisamment mûr, celui-ci peut être implémenté dans le village en question. C’est donc l’occasion de pouvoir réaliser un projet concret dans son intégralité !
Et les épices, dans tout ça ? C’est bien connu, la nourriture indienne est épicée. Very spicy you know? Je dirais que c’est une question d’habitude. Au début, on chauffe, on rougit, on pleure. Puis notre corps s’habitue et l’on prend goût aux épices. L’Inde étant le pays avec le plus grand pourcentage de végétariens dans le monde, on y trouve par conséquent de nombreux plats qui le sont.
Le stage fut aussi l’occasion de découvrir le cricket, sport largement pratiqué en Inde, comme avec ces enfants qui jouaient entre deux maisons :
Certains pourront se demander : vais-je réussir à reprendre les études après six mois, un an ? Personnellement, j’ai repris les études en Génie Mécanique en Master à L’EPFZ, deux semestres après l’obtention du Bachelor. Cela n’a pas pas été un choc.
Une fois au « bout du monde », c’est l’occasion de voyager. Pour ma part, j’ai étendu mon voyage, tout d’abord en Inde en parcourant près de 5000km à travers 10 états, puis au Sri Lanka et en Thaïlande, en passant par la Birmanie. Un voyage riche en émotions, en rencontres, une expérience inoubliable !
Enfin, le fait de passer six mois dans un même endroit permet de vraiment s’imprégner des coutumes locales et de créer des liens forts avec certaines personnes. Des liens qui resteront pour la vie. L’expérience relève en quelque sorte d’un défi : se confronter à une nouvelle manière de penser, d’agir, de réagir. C’est un travail sur soi-même, dont on n’a pas forcément l’habitude.
Brèves, Journal
COP21 — Laissons-leur le bénéfice du doute
et faisons semblant d’y croire, en tout cas pour le moment
Du 30 novembre au 11 décembre aura lieu à Paris la COP21, 21e conférence sur le climat qui a pour but de s’assurer que les rapports d’action rendus à l’ONU par les Etats suffisent à respecter le seuil fatidique des 2°C pour 2100, de s’accorder sur la façon dont l’argent mobilisé ces dernières années va être utilisé et enfin, de trouver un terrain d’entente sur la réduction des aides accordées aux énergies fossiles avant d’en reporter les coûts sur les principaux responsables d’émision des gaz à effet de serre.
Comment les Etats, acteurs centraux de la COP21, peuvent-ils agir? La question des normes strictes à imposer par les gouvernements aux multinationales émettrices de GES se pose d’elle-même. Dominique Bourg, philosophe et professeur à l’UNIL fait remarquer1 que depuis une trentaine d’années “nos systèmes politiques ont réduit la fonction de l’Etat à un ‘facilitateur’ du commerce international. Comment voulez-vous qu’un ‘facilitateur’ du commerce international prenne à bras le corps [les] questions climatiques?”. L’optimisme n’est pas de mise.
Toute la communication autour de la COP21 est tout de même signe d’une volonté de changement de la part des gouvernements. C’est ici que l’investissement citoyen prend tout son sens: informons-nous, prouvons notre engagement à nos dirigeants en nous intéressant aux conclusions de cette conférence et pas seulement au fait qu’elle ait lieu, afin qu’ils aient le devoir d’enclencher de profonds changements.
Espérons que les discussions porteront leurs fruits.
Espérons que la mobilisation générale se poursuive.
Espérons que tout cela ne retombe pas comme un soufflé – on l’a bien trop souvent expérimenté ces derniers temps.
Inès Baudry, étudiante en Génie Civil
Pour en savoir plus sur la COP21, vous pouvez regarder le reportage “2 degrés avant la fin du monde” qui a été proposé par DataGueule sur France4.
1:Issu d’une vidéo proposée par DataGueule sur youtube (produit par france 4)
photo: “message on street” par Light Brigading – flickr creative commons
Brèves, Journal
Le saviez-vous?
La grande mosquée de Djenné au Mali est construite en terre crue.
Tous les ans avant la saison des pluies, les habitants protègent le bâtiment en le recouvrant intégralement à la main d’une nouvelle couche de terre.
Brèves, Journal
Lilo: le moteur de recherche utile
«Financez des projets sociaux, gratuitement et sans effort, avec le moteur de recherche Lilo»
L’idée sur laquelle est basée Lilo est simple, mais il fallait y penser: verser à une sélection de projets l’argent généré par les liens commerciaux qui s’affichent lors d’une recherche. Vous ajoutez Lilo à votre navigateur, vous désactivez AdBlock sur ce domaine, et vous collectionnez les «gouttes d’eau», une par recherche. Libre à vous ensuite de les distribuer, parmi les projets proposés, à ceux qui vous tiennent à coeur. Plus de 20 000 € ont déjà été récoltés.
Lilo utilise -et paie- le service de moteur de recherche de google et yahoo par exemple pour vous donner les meilleurs résultats. Il est donc aussi performant que ces derniers.
Vous pouvez contribuer sans aucun effort à des projets que vous jugez utiles, seulement trois clics pour installer Lilo, puis une habitude à changer: search.lilo.org au lieu de google.ch… pourquoi hésiter?
Inès Baudry